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jeudi 21 août 2014

Naissance d'une féministe

La galère. Dans tous les sens du terme.

Le féminisme n'est pas une maladie. C'est une prise de conscience. 
Qui vient soit naturellement aux gens intelligents, soit après un incident particulièrement marquant.

A l'âge de quinze ans, je passais quelques jours de vacances à bord d'un très beau catamaran amarré dans un port atlantique français. Ce catamaran était presque complètement équipé, et la première sortie d'essai officielle allait avoir lieu très vite. Parce que le capitaine responsable de l'équipement final du navire était de ma famille, nous avions pu y séjourner. Quelle chance !

Par ailleurs, ledit capitaine possédait dans le même port un petit voilier monocoque, avec lequel il nous avait régalé d'une sortie en mer. Bref, tout se passait pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Jusqu'au jour où la sortie officielle du catamaran eut lieu. Cette sortie se faisait en présence des huiles, les armateurs et propriétaires du bateau. En tant que parasites familiaux, notre place n'y était pas, naturellement. Nous restions donc à terre le temps de cette sortie.
Sauf que.

Sauf que mon frère fit cette sortie. 

Pourquoi ? Parce qu'il était plus âgé et qu'il pouvait passer pour un marin embauché pour l'occasion ? Non, il est plus jeune que moi.
Parce qu'il s'était caché dans un coin et s'était fait oublier le temps de la sortie ? Non, il était sur le pont comme tout le monde. Sage et silencieux, mais parfaitement visible.
Vous savez pourquoi il a eu le droit de monter sur ce bateau ? 
PARCE QUE C'EST UN GARÇON.
Le capitaine m'a expliqué qu'il pouvait monter parce que qu'il ne dérangerait personne, alors que moi... Moi quoi ? 
Moi, je suis une fille. Et la seule femme qui avait le droit de monter sur le catamaran ce jour-là, c'était sa compagne, titulaire d'un brevet de capitaine en bonne et due forme. 
Parce que les femmes, sauf exception tout juste tolérée, n'ont pas leur place sur les navires.
Pour l'anecdote, ma mère est également restée à terre ce jour là. Mon père eût été présent, nul doute qu'il serait monté à bord.

Ce jour là, je fis ma plus grosse crise d'adolescence. Je partis durant des heures pour pleurer, tempêter et déprimer dans un coin sombre. Ma mère me chercha partout, et ce fut sans doute la seule fois où je lui donnai du fil à retordre.


Cette histoire m'a marquée pour la vie. Parce que je ne m'y attendais pas le moins du monde. Pour moi, il était évident que nous n'avions rien à faire sur ce navire le jour de sa sortie officielle, et que donc, tout le monde restait à terre. 

Rien ne m'aurait permis de penser qu'il y aurait deux poids et deux mesures sous prétexte qu'une partie d'entre nous était dotée des seins et l'autre, de testicules.

Lorsque je me penche sur les raisons de mon féminisme, tout me ramène à ce souvenir. L'injustice la plus profonde. L'iniquité la plus criante, au sein de la même famille. Pour quoi ? Pour un sexisme millénaire basé sur des croyances moyenâgeuse (pardon le Moyen âge). Une honte absolue.


Alors, dans ce blog de bibliothécaire, vous trouverez aussi, de temps à autres, des articles sur ce sujet, sous le libellé "féminisme".

21 commentaires:

  1. Bouille tu es mon héroïne tu me fais pleurer et rire et pleurer et réfléchir et décompresser et relativiser
    sache que là où je bosse tous les "zHommes" font 35h et les femmes maxi 28 (pas d'homme à la biblio , je te rassure)
    sache que moi aussi j'ai les parachutées qui ont dû tomber très très fort car "l'ordinateur j'y touche pas je suis trop vieille " et c'est quoi déjà quand il y a un E devant ? et "oh là là ce livre est à l'envers" (elle ne range que la fiction que je préclasse sur un chariot, elle ne sait pas qu'on propose des documentaires, elle ne connaît pas la différence entre un CD et un DVD, et elle ne lira jamais ce commentaire vu q'elle n'a pas encore trouvé le bouton de l'ordi) (et elle couvre comme une bouse)
    j'ai aussi beaucoup beaucoup beaucoup de haine en moi et tes billets me rassurent vraiment (aujourd'hui j'ai dû décoller toute la signalétique que les vacataires devaient préparer car il y avait des fautes sur les 3/4 des titres)
    je suis très solidaire , j'espère que tu existes en vrai
    madame C première classe aussi , chef de personne mais responsable de tout qui va devoir songer à changer d'horizon ...

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    1. Chère Anonyme, Madame C,
      Oui, je suis vraie.Va voir ce qu'en dit Bernard un peu plus bas. J'existe, je vis, je respire, je travaille, j'en bave, je m'insurge, je déprime, je déteste les gens, j'adore les gens. Je suis paradoxale, passionnée, pénible : les 3 "p". Mon assistante, qui est une perle, une fée, un ange envoyé sur terre pour me supporter et m'aider à supporter les autres, me dit de temps à autres : "ah, quand tu as une idée en tête, tu ne l'as pas ailleurs". Bref, je suis on ne peut plus réelle.
      Courage, courage, et courage. Il ne faut pas oublier de rire, cela aide tant à porter le quotidien !
      A bientôt, au plaisir de lire tes commentaires. Et au lieu de mettre "Anonyme", la prochaine fois, mets "Madame C." dans le champ "nom". Comme cela, je saurai qui tu es.

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  2. "j'ai aussi beaucoup beaucoup beaucoup de haine en moi" nous assène ce commentaire, que je ne juge pas.

    On peut être étonné que Bouille soit perçue de cette façon. Espérons tout de même que ce blog ne devienne pas essentiellement celui de la "haine solidaire" ou le déversoir des insatisfaits et des aigris.

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    1. @Ferris

      Tu relèves la "haine", moi je relève les mots Héroïne, et la suite : pleurer, rire, réfléchir, décompresser, relativiser.

      Quant au mot haine, je pense qu'avoir la quinte (avoir la rage) est plus proche du sens entendu par Anonyme. Et qu'il est plus question de solidarité "héroïque" féminine que de véritable aigritude.

      Et c'est vrai que Bouille écrit bien, avec un message bien percutant comme il faut. ;-)

      @Anonyme
      Oui, Bouille existe en vrai. Certains l'ont aperçue lors du congrès ABF.

      Bernard

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    2. Bon, Bernard répond mieux que je ne l'aurais fait, Ferris.
      Donc tout va bien, no stress, pas de haine à l'horizon.
      En plus, je trouve que pour l'instant, l'ensemble des commentaires sur ce blog sont de bonne tenue et font avancer ma réflexion - ou me réconfortent, ce qui est au moins aussi important.
      Il faut bien dire aussi que la plupart sont de votre fait, chers amis Ferris et Bernard ! Merci à vous.

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  3. Parce que les femmes, sauf exception tout juste tolérée, n'ont pas leur place sur les navires.

    Je rectifie Bouille : Parce que les femmes portent malheur sur les navires ! Oui !
    Tout ça, parce qu'à une certaine époque, une seule voire une poignée de femmes pour cent à deux cents bonhommes au sang (forcément) chaud après quelques mois de mer, ça mettait la pagaille sur les navires. (appel du sexe, étripage en règles)
    Et qu'il valait mieux balancer la femme à la mer que d'avoir une mutinerie à bord (et une femme violée par dessus le marché)

    De toute façon, si on avait des mousses, ce n'était pas juste pour la galerie. N'est-ce pas !

    Ou alors, c'est parce que la mer est une garce, une garce jalouse...

    Bref, la connerie des hommes a toujours une excuse sous le coude. Une excuse à la con.

    Bon, ma chère Bouille, je crois quand même que la pilule a été très dure à avaler parce que le garçon était ton frère.
    S'il ne l'avait pas été, ta rancoeur aurait-elle été aussi forte ?

    En plus, tu étais plus âgée que lui.
    Double insulte.

    Peut-être triple lorsque tu as vu ta mère s'écraser et ne rien dire.

    Maintenant, ce que tu ne nous dis pas, c'est : est-ce que ton frère a aimé ce voyage avec les officiels ou est-ce qu'il s'est fait chier comme un rat mort à ne pas bouger ?

    Ok, il pouvait te faire la nique après, et ça ça n'a pas de prix quand on est frère et soeur ;o), mais à part ça.
    Jouer les potiches, quel intérêt ?

    D'accord, à 15 ans (et même plus tard) on est un peu, beaucoup, sensible à la folie aux injustices.
    Quand on en a le double ou le triple, on comprend qu'une telle injustice, avec des officiels, c'est une bénédiction. Surtout quand on a profité du bateau avant... lorsque ces officiels n'y étaient pas.

    Bref, on a appris à mesurer le pour et le contre.

    Et pour avoir mesurer le pour et le contre de ton billet, je me frotte les mains. Parce que tu évoques "les raisons de ton féminisme". Voilà déjà la raison initiale. J'ai hâte de connaître les autres.
    Bernard











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    1. Pour te répondre, je crois que mon frère a beaucoup apprécié le voyage, mais ne s'en est pas trop vanté. Il a compris que cela risquait de tourner au vinaigre avec moi. A son âge, il se fichait de n'avoir pas le droit de trop bouger, il avait compris la valeur du privilège qui lui était fait. Intelligent, le môme.
      Oui, je connais l'histoire des femmes qui portent malheur sur les bateaux. Si elle y avaient été depuis le début, le problème ne se serait pas posé. Toujours des excuses à la con, comme tu le dis si bien.
      Pour les autres raisons de mon féminisme, je ne sais si je m'étendrais beaucoup plus avant dans les anecdotes personnelles. Un blog reste un lieu public, et j'essaie de garder un peu d'intimité. En revanche, je pense relayer et commenter de temps à autres des informations qui touchent à ce sujet.

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  4. A la réflexion, je ne suis pas sûr que ton anecdote familiale se situe exactement dans le cadre du féminisme; Perso, j'étais un garçon (je le suis toujours) et l'aîné en plus, et à ce titre je me suis vu confier des "responsabilités" que je n'ai pas toujours appréciées, surtout avec ce type d'argument, alors que ma petite sœur, qui n'avait que 4 ans de moins que moi, était exonérée d'office de certaines tâches chiantes et se la coulait douce, entourée d'affection. Alors les "privilèges" des garçons dans les familles, y aurait beaucoup à dire dessus.
    Ton vrai sujet c'est la famille, "lieu de toutes les violences" disait chaipluqui.
    On apprend aux garçons aussi à tenir des rôles très tôt. Trop tôt. On n'écourte pas sans risques la courte periode d'insouciance de l'enfance. Il ne faut pas s'étonner si ensuite certains deviennent les hommes qu'ils sont....

    Je confirme l'explication maritime de Bernard. Mais pas sa conclusion un peu facile. Les pulsions sexuelles sont ce qu'elles sont et il est exact que sur un bateau, ou dans un lieu confiné, un mâle reste un mâle et une femelle une femelle. Et il faudrait assumer les risques à ce niveau. Je crois que ce n'est que tout récemment que des femmes ont eu le droit de monter dans les sous-marins de notre vaillante force de frappe. On peut imaginer ce que donnerait l'équivalent contemporain d'une mutinerie, ou d'un simple laisser aller pulsionnel, dans un sous-marin lanceur d'engins...Je n'ai pas entendu parler de prisons mixtes non plus. Je ne pense pas qu'il s'agisse là "d'excuses à la con"
    Tout est toujours plus compliqué qu'on le souhaiterait

    Le problème c'est qu'on n'a plus le droit de sodomiser les petits mousses non plus.
    Les bergers ont encore leurs chèvres, une chance....

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    1. Cher Ferris, je ne comprends que trop Bouille, et oui, il est bien question de sexisme et non juste d'une histoire de famille. Certes, les garçons subissent parfois un formatage "à la dure" tout aussi injuste, mais je peux t'assurer qu'en tant qu'aînée et fille, je subissais une double injustice dont savait très bien profiter mon petit frère : pour les corvées et autres responsabilités déagréables, j'étais la grande et donc devais subir et pas lui, parce que le pauvre tu comprends c'est le petit (y compris quand il me dépassait de 20 cm), quand c'était une responsabilité valorisante ou un avantage (avoir les clés de la maison, se servir de certains outils, rentrer plus tard, avoir plus d'argent de poche...), il devait en profiter aussi (voire à ma place), parce qu'il était un garçon, donc forcément plus responsable. Oui oui, c'était son argument, et ça marchait ! *soupir*

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    2. @Ferris, ce ne sont pas tant les risques que la bête concurrence entre hommes "pour avoir la femme" qui est préjudiciable (et source de certaines mutineries, ce qui a diabolisé la femme sur les bateaux)

      Au niveau de l'endroit confiné, se pose essentiellement le problème des hormones. Qu'on le veuille ou non, une femme et un homme également émettent des phéromones, difficiles à esquiver dans un sous-marin, ou dans les cales d'un bateau. Ce qui provoque, forcément, de la tension.

      Pour les sous-marins, on a aussi - avec gentillesse - évoqué les femmes "enceintes" (donc prête à accoucher) pour leur interdire, longtemps, l'entrée sur ces navires. Comme s'il pouvait y avoir une différence avec les étroites cabines de certains navires de surface, ou même un accouchement en pleine tempête. Le sous-marin, lui, peut au moins plonger pour avoir de la stabilité. Et quand on répare une main ou un bras en charpie, accoucher un enfant, c'est de la rigolade. D'accord, il faut aussi prévoir une éventuelle nurserie (ou alors un officier devra abandonner quelques temps sa cabine perso... les boules !)... mais pas plus que sur tout navire de guerre parti en mer pour six mois un an.

      Là, on est bien dans une excuse à la con. D'autant plus à la con qu'on limite le nombre de femmes à bord.
      C'est ça qui provoquait des mutineries... la rareté des femmes à bord.
      D'accord, au temps de la marine à voiles, il fallait du muscle pour tirer voiles et cordages, du muscle pour se battre contre les pirates, ou aller piller des villages indigènes. Métier d'homme.

      Mais de nos jours presse-boutons, on peut se demander le pourquoi de la chose. Sauf rareté entretenue à dessein.
      D'ailleurs, plusieurs marines étrangères ont déjà permis aux femmes de monter à bord de sous-marin. (Norvège en 1985, et en 1995 c'est une femme qui a pris le commandement d'un sous-marin... la vraie crainte des hommes ne serait-elle pas celle-là ?). Australie : 1998, Espagne : 1999, Allemagne : 2001, Canada 2002, Portugal 2008, USA 2010, Angleterre 2013. La France est en retard sur le sujet.

      Comme pour les prisons mixtes.
      Je te laisse chercher : prison mixte hommes femmes. (sur ton moteur favori)
      Tu en trouveras une en Espagne, une en Belgique, et trois au Danemark.
      Petites expérimentations, mais pas que.

      Pour les petits mousses, c'est vrai... Mais tu oublies qu'il est interdit de faire travailler les enfants.

      Reste à emmener des chèvres à bord, au risque de se retrouver avec la SPA sur le dos. Sauf que, ça ne sent pas la rose une chèvre. Normal, ça mange du choux. ;o) En réalité, ça mange tout, c'est une vraie calamité la chèvre, et c'est tenace. "Il est plus facile de faire changer d'avis une femme, qu'une chèvre", me disait mon oncle éleveur de chèvres.

      C'est tenace comme les mentalités, se faire piquer la place par une femme, la honte !
      Même si elle est plus compétente au niveau intellect, ou même physique.
      La honte.

      Alors même que les contes et légendes parlent de petit héros plus intelligents que les grosses brutes, et on les glorifie ces héros : Ulysse, Le Petit Poucet, etc. Des rôles de filles.
      Et elles ne sont pas sourdes les filles. ;-)
      Ni aveugles.
      Bernard



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  5. Et bien je ne vais surement pas faire avancer la réflexion, mais ton article m'a fait sourire parce que, petit un, j'ai connu les mêmes déboires avec un tracteur qui n'acceptait que les dignes culs de mon frère et mon cousin, que, petit 2, je ne saurais pas l'écrire aussi bien que toi et que, petit 3, je me suis construite avec ce genre de situations et finalement, ça donne des billes pour plus tard. N'empêche, quand j'y pense, j'ai encore les dents qui poussent !
    Merci pour ton blog.

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  6. Si, Isabelle, tu fais avancer la réflexion en disant :"Je me suis construite avec ce genre de situations et finalement, ça donne des billes pour plus tard.". On se construit toujours mieux "contre".

    Ce que je voulais dire c'était que c'est bien dans la famille que les formatages ont lieu et sont les plus violents, car l'enfant ne peut qu'obeir et gobe facilement les "modèles" qu'on lui propose. L'école tempère un peu cette violence familiale mais il y a encore du boulot..
    Et ce ne sont pas forcement les filles qui, à l'âge adulte, s'en tirent le plus mal. D'autant que 40 ans de féminisme sont passés par là et ont laissé quelques repères. La lutte continue sur un autre plan, salarial par exemple.
    Mais les hommes, eux, s'en tirent moins bien, car ils n'ont pas à continuer un combat. Au contraire, ils prennent naturellement la place sociale pour laquelle ils ont été formatés. La route parait lisse et sûre. Et pourtant...

    Avez-vous entendu parler de ce phénomène, assez récent et en pleine montée, de ces hommes qui disparaissent sans raisons? On retrouve un jour leur voiture sur un parking, les clés dessus. Ils abandonnent tout, famille, travail (souvent des cadres), responsabilités, bref tout ce qui correspondait au modèle social pour lequel on les avait préparés. Y compris leur rôle de père et de mari, qui sont aussi du formatage. Bref ils craquent et c'est la fuite. La plupart du temps on ne les retrouve pas. On suppose qu'ils entrent dans divers processus de clochardisation...

    Dans les sixties on prenait la route par choix, par idéologie, pour Katmandou ou choix du retour à la terre etc...Et ils avaient 20 ans. Aujourd'hui les mecs qui dégagent en ont 40 et sont au bout du chemin. Le formatage longue durée a ses limites.

    Très peu de femmes dans ces situations.

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  7. @ Isabelle et Marquise A : merci de vos témoignages et de votre soutien. C'est drôle, parce qu'en matière de tracteur, le sexisme a été moins prégnant chez moi : j'ai pu le conduire, même si un peu moins souvent que mon frère. Par contre, pour ce qui est des voitures... Il faudra que je raconte ça un autre jour.
    @Ferris : oui, je suis d'accord avec le problème du modèle imposé aux hommes. Le sexisme fonctionne dans les deux sens, et on impose une image de genre aux deux sexes. Je connais un gars, qui malgré un physique imposant, une grande vivacité intellectuelle et une facilité certaine à créer du lien avec ses camarades, s'est retrouvé dans des situations délicates durant sa jeunesse, parce qu'à côté des sports qu'il pratiquait (dont le rugby), il faisait aussi du chant et de la flûte traversière. Il a tenu bon, mais cela n'a pas été facile tous les jours.
    En revanche, là où je ne te suis pas, c'est sur le fait qu'aujourd'hui les femmes s'en sortiraient mieux que les hommes, sous prétexte que leurs modèles ont commencé à évolué. Un simple constat : quand j'étais gamine, il y a 20 ans environ, les filles arboraient tous les types de coupe de cheveux. Aujourd'hui, observe-les : elles ont toutes les cheveux longs. Toutes. Pour trouver une gamine entre 10 et 17 ans qui a les cheveux courts, lève-toi de bonne heure. Regarde les images de jeunes filles qui leur sont proposées : elles sont infiniment moins variées qu'il y a quelques années.
    Je ne vais pas faire l'erreur de considérer qu'il y a eu un âge d'or et que nous devrions être tous passéistes. Mais je considère que les modèles proposés aux femmes n’ont pas tant évolué que cela, dans certains cas ils ont régressé, et que le problème se pose pour tout le monde, filles et garçons.

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  8. D'accord avec toi. Figure-toi que j'ai, vers l'âge de 10 ans, voulu faire de la danse classique, comme ma soeur. Quand je suis arrivé au cours j'ai constaté que j'étais le seul garçon, que je n'avais pas la même tenue que les autres (pas de tutu...), et je ne te parle pas de l'aspect "objet de curiosité" que je représentais aux yeux des mamans qui venaient récupérer leur progéniture à la fin du cours. J'ai rapidement arrêté.
    Pas d'accord sur ce que tu appelles les "modèles" en te référant à des aspects de mode (vestimentaire, cheveux etc...). On n'est pas dans le sujet. J'ai vécu la periode de la mode dite unisexe type hippie fin des années soixante, et je constate qu'on la voit réapparaître maintenant (le mode hippie en moins). Les publicités sur ce qu'est une femme libre et assumée sont beaucoup plus parlantes: la femme en tailleur machin, attaché case à la main, présidant des conseils d'administration, y arrivant en moto etc...., c'est quoi : ça veut dire que la femme qui est le modele feminin de la "réussite" est celle qui fait une carrière de mec, avec un look de mec, dans des rôles sociaux de mecs.
    Germaine Greer, la papesse du féminisme (auteure de "la femme eunuque" , livre de chevet de toutes mes copines à l'époque), a écrit trente ans après un ouvrage où elle demontre sa colère devant l'erreur majeure des féministes : avoir confondu égalité et liberté. La "femme active" qu'on nous montre aujourd'hui dans des pubs à la noix, est une femme qui a abandonné sa liberté d'être femme, c'est à dire d'assumer sa féminité, donc sa différence, pour se glisser dans une peau d'homme. Tout cela est totalement bidon evidemment.
    D'ailleurs quelle sont ces pubs ? Des spots où on nous démontre que malgré les inconvénients du cycle menstruel (et on te vante un produit adapté) ou les cheveux longs (et on te vend une laque) etc..., c'est à dire MALGRE sa féminité, la femme moderne et volontaire peut être l'égale de l'homme. Et si en plus elle accepte de ne faire des enfants qu'à partir de 35 ans (stats région parisienne), elle pourra "assurer sa carriere", comme les mecs. Et elle aura touché le Graal.
    Désolé, mais les discours actuels, qui sont plus sérieux que ces pubs ET que les pamphlets féministes des années 60, discours portés surtout par des scientifiques d'ailleurs, mettent au contraire en valeur les différences importantes et incontournables entre l'homme et la femme. Leur conclusion est nette : une société égalitaire à ce niveau c'est une société qui permettra à la femme d'assumer sa féminité et ses différences, pas de ressembler à un homme en s'attribuant son apparence ou ses rôles sociaux.
    Et ça c'est pas gagné....
    Mais, reciproquement, c'est aussi une société qui permettra à l'homme de sortir de ces modèles et d'assumer sa part de féminité, aujourd'hui reconnue partout. Et là, ça avance un peu...
    Autrement ma Bouille, les combats du féminisme qui vous ont apporté la pilule, le droit à l'avortement, le droit d'avoir un compte en banque perso, le droit de chercher du travail sans demander l'accord de votre mari, et j'en passe, passent aujourd'hui à un stade supérieur, beaucoup plus difficile. Et le modèle de la femme "libre" que vous propose le monde marchand (d'une société toujours régie par les hommes) est un leurre.
    C'est le travail de ta génération. Alors au boulot !
    Et si tu t'arrêtes à des histoires de coupe de cheveux pour les petites filles, ou, comme certaines vieilles féministes, à des histoires d'orthographe féminisée (auteure et non auteur, chouette les filles, on a gagné), t'es pas sortie de l'auberge. T'y es même pas rentrée...

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  9. Je ne crois pas que les histoires de coupe de cheveux soient si anecdotiques que ça. Ma filleule s'est retrouvée en 6è au collège seule fille avec des cheveux courts, elle s'est vu dire X fois "t'es pas une vraie fille", "garçon raté" et autres gentillesses. Et sur les 5 dernières années le % de filles qui choisissent une option scientifique a encore baissé. Alors peut-être qu'il n'y a pas de rapport, mais quand pour certain(e)s "être une vraie fille" se résume à avoir les cheveux longs et porter des jupes... :P

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  10. Je comprends mieux le succès renouvelé des albums de Martine. Néanmoins dans l'avant-dernier (Martine protège la nature) elle est en pantalons, avec une copine à cheveux courts, et elle organise une manif contre les insecticides ! Déjà dans le précédent, elle avait un ordinateur ! Tout fout le camp !

    Bon, ben vous voilà reparties 60 ans en arrière, à vous battre pour les cheveux courts et le droit aux pantalons ! Tout ça pour en arriver là : refaire les combats anti-sexistes de vos grands-mères ! Je vous souhaite bonne chance.

    Au fait, vous savez qu'on se construit toujours "contre" les modèles existants. Et si vos filles en avaient marre d'avoir connu deux génerations de mamans et mamies à cheveux courts et pantalons, tout simplement ?

    Pourquoi croyez-vous que les garçons se sont laissés pousser les tifs il y a pas mal d'année ?
    Pour faire chier papa, bien dégagé derrière les oreilles....tout simplement.

    L'histoire est cyclique....

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  11. Merci pour l'article sur les cartables roses et bleus, c'est effectivement édifiant. Et je partage ton avis : il y a régression. Ce qui me navre le plus c'est la facilité avec laquelle la société façonne les gamines en "fashion victimes", comme elle façonnait la jeunesse dorée des années 60, les années-consommation où maman découvrait la machine à laver et sa fille la mini-jupe ras le bonbon. Et aussi le manque total de perspective historique des filles d'aujourd'hui, à quel point elles peuvent ignorer les combats énormes qu'ont livré les femmes de cette époque. Oui, il y a régression et c'est grave. J'avais lu il y a peu un article qui démontrait que les adolescentes actuelles en savaient moins sur leur propre corps que celles des années soixante-dix. Vraiment beaucoup moins. C'était glaçant comme article.

    Je salue avec plaisir une collègue amateure (ou amatrice,car le débat est ouvert sur ces termes, amatrice ayant été utilisé en 1931 dans un roman) de Caroline. Et justement, on parlait de régression et de manque de culture : j'ai de "jeunes" collègues qui ont mis les deux séries, Caroline et Martine, au rancart, n'ayant pas vu que Caroline était exactement le contraire de Martine : une gamine en salopette, plutôt garçon manqué, casse-cou et complètement hors normes. Finalement c'est notre Fifi Brindacier à nous, l'anti-stéréotype. Et le plus intéressant c'est que ces personnages sont nés à la même époque : 1953 pour Caroline, 1954 pour Martine, (et 1945 pour Fifi.).

    Désolé pour ton fils. Moi qui n'ai plus mis les pieds chez un coiffeur depuis 1969, je l'encourage à assumer. Ceci dit, c'est surement moins facile maintenant qu'à l'époque...je reconnais. Régression là-aussi.

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    1. Caroline rules ! :)

      On peut remercier les rugbymen, les garçons peuvent avoir les cheveux longs sans moqueries spéciales, mais le mien ressemble assez vite à un balai en genêts. ^^

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  12. Et voilà, moi qui suis de la génération d'après, je ne connais pas Caroline, alors que les Martine, j'en ai bouffé quelques uns avant de me rendre compte que ça gonflait même ma mère, ces histoires culcul la praline. Hélas, donc, pas de Caroline dans mes références de jeunesse.
    Mais bon, je regardais Cobra et les Chevaliers du Zodiaque à la télé, même si les personnages principaux étaient des garçons.
    Je peux confirmer que la régression est forte dans l'image que les filles ont d'elle-même. Il y a de l'espoir tant que les filles sont dans l'enfance, mais c'est pendant l'adolescence que leur image d'elle-même change. Je vous invite à voir cette vidéo, si vous ne l'avez pas déjà vue : https://www.youtube.com/watch?v=ogYT2P3RWCs. Elle est édifiante.

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  13. C'est ça qui est triste, Bouille, qu'on trouve encore les Martine au carrouf' du coin , mais plus les Caroline depuis longtemps... :/ En plus (Ferris peut confirmer ^^) les garçons n'avaient rien contre feuilleter un Caroline, ou lire Fifi Brindacier, mais à quelle héroïne prépubère pourraient-ils s'intéresser aujourd'hui ? A quelle héroïne non "girly gnan gnan" peuvent s'identifier les fillettes ? Même les romans sur les chevaux sont roses à paillettes. :P

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  14. N'exagerons rien, les editions Hemma proposent des livres de Barbie. Le commentaire est le suivant : Le volume annuel consacré aux films où Barbie joue une princesse est attendu par toutes les petites fans. Barbie et la magie de la mode, Barbie et le secret des sirènes, Barbie et les 3 Mousquetaires, La Magie de Noël, Barbie et le palais de diamant, Raiponce, Princesse de l’île merveilleuse, sont les thèmes des histoires illustrées avec les images des DVD.

    Au boulot les petites fans....

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