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jeudi 21 août 2014

Naissance d'une féministe

La galère. Dans tous les sens du terme.

Le féminisme n'est pas une maladie. C'est une prise de conscience. 
Qui vient soit naturellement aux gens intelligents, soit après un incident particulièrement marquant.

A l'âge de quinze ans, je passais quelques jours de vacances à bord d'un très beau catamaran amarré dans un port atlantique français. Ce catamaran était presque complètement équipé, et la première sortie d'essai officielle allait avoir lieu très vite. Parce que le capitaine responsable de l'équipement final du navire était de ma famille, nous avions pu y séjourner. Quelle chance !

Par ailleurs, ledit capitaine possédait dans le même port un petit voilier monocoque, avec lequel il nous avait régalé d'une sortie en mer. Bref, tout se passait pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Jusqu'au jour où la sortie officielle du catamaran eut lieu. Cette sortie se faisait en présence des huiles, les armateurs et propriétaires du bateau. En tant que parasites familiaux, notre place n'y était pas, naturellement. Nous restions donc à terre le temps de cette sortie.
Sauf que.

Sauf que mon frère fit cette sortie. 

Pourquoi ? Parce qu'il était plus âgé et qu'il pouvait passer pour un marin embauché pour l'occasion ? Non, il est plus jeune que moi.
Parce qu'il s'était caché dans un coin et s'était fait oublier le temps de la sortie ? Non, il était sur le pont comme tout le monde. Sage et silencieux, mais parfaitement visible.
Vous savez pourquoi il a eu le droit de monter sur ce bateau ? 
PARCE QUE C'EST UN GARÇON.
Le capitaine m'a expliqué qu'il pouvait monter parce que qu'il ne dérangerait personne, alors que moi... Moi quoi ? 
Moi, je suis une fille. Et la seule femme qui avait le droit de monter sur le catamaran ce jour-là, c'était sa compagne, titulaire d'un brevet de capitaine en bonne et due forme. 
Parce que les femmes, sauf exception tout juste tolérée, n'ont pas leur place sur les navires.
Pour l'anecdote, ma mère est également restée à terre ce jour là. Mon père eût été présent, nul doute qu'il serait monté à bord.

Ce jour là, je fis ma plus grosse crise d'adolescence. Je partis durant des heures pour pleurer, tempêter et déprimer dans un coin sombre. Ma mère me chercha partout, et ce fut sans doute la seule fois où je lui donnai du fil à retordre.


Cette histoire m'a marquée pour la vie. Parce que je ne m'y attendais pas le moins du monde. Pour moi, il était évident que nous n'avions rien à faire sur ce navire le jour de sa sortie officielle, et que donc, tout le monde restait à terre. 

Rien ne m'aurait permis de penser qu'il y aurait deux poids et deux mesures sous prétexte qu'une partie d'entre nous était dotée des seins et l'autre, de testicules.

Lorsque je me penche sur les raisons de mon féminisme, tout me ramène à ce souvenir. L'injustice la plus profonde. L'iniquité la plus criante, au sein de la même famille. Pour quoi ? Pour un sexisme millénaire basé sur des croyances moyenâgeuse (pardon le Moyen âge). Une honte absolue.


Alors, dans ce blog de bibliothécaire, vous trouverez aussi, de temps à autres, des articles sur ce sujet, sous le libellé "féminisme".